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[JE] Compte-rendu de la journée “Étude(s) littéraire(s) de la presse régionale en France (1789-1914)”

Le jeudi 20 mars 2025, l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens a accueilli une journée d’études intitulée « Étude(s) littéraire(s) de la presse régionale en France (1789-1914) ». Organisé par le CERCLL (Centre d’Études des Relations et Contacts Linguistiques et Littéraires), en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France et la région Hauts-de-France, cet événement avait pour objectif de mettre en lumière des corpus longtemps négligés par les études médiatiques. En intégrant ces sources à l’analyse, il s’inscrit dans une dynamique de renouvellement de l’histoire littéraire française engagée depuis trente ans.

La presse régionale, tout aussi abondante que la presse nationale, joue un rôle essentiel dans l’histoire médiatique française. L’objectif de cette journée d’études était d’explorer la dynamique qui lie ces deux sphères au cours du long XIXᵉ siècle et de mettre en évidence les spécificités propres à la presse régionale. La journée a ainsi été consacrée aux auteurs et autrices qui choisissent d’y écrire ou s’y investissent par nécessité, sur les œuvres publiées dans cette presse et les liens qu’elles tissent avec un lectorat particulier. Les spécificités des différentes aires régionales et linguistiques, qui font de cette presse une mosaïque riche et nuancée, ont également été interrogées. Le sujet de la préservation de ce patrimoine écrit régional a aussi été traité en lien avec le chantier du Conservatoire national de la Presse (CNP) qui ouvrira ses portes à Amiens en 2029.

Lors de la première session Hélène Parent (Université de Lorraine) et Morgane Avellaneda (Université de Nagoya) ont montré que, dès la Révolution, la presse régionale soulève des enjeux littéraires et politiques majeurs liés à la représentativité du peuple, à la centralisation et à la circulation de l’information. L’étude des journaux picards de Gracchus Babeuf révèle comment il adapte sa rhétorique à un public local, tandis que l’analyse de la presse perpignanaise sous la Restauration met en lumière des réseaux d’information contournant l’éloignement de Paris, notamment en s’appuyant sur la presse espagnole.

Sarah Mombert (École normale supérieure de Lyon) a, quant à elle, étudié la reproduction journalistique dans les journaux de province vers 1840, en examinant notamment le cas de l’éditeur Théodore Boulé, qui vendait aux journaux qu’il imprimait des maquettes préfabriquées et textes prestigieux à bas coût, leur permettant d’attirer un lectorat plus large.

Lors de la troisième session les communications de Lucie Barette (Université de Caen) et Sophie Muscianese (UPJV) ont mis en lumière le rôle des femmes journalistes au XIXᵉ siècle, malgré leur invisibilisation. Lucie Barette a étudié deux journaux lyonnais, Le Conseiller des femmes et La Mosaïque lyonnaise, où Eugénie Niboyet s’est illustrée, montrant comment une parole féministe a pu émerger dans la presse locale des années 1830. Sophie Muscianese a, quant à elle, analysé le passage de la journaliste Séverine à La France de Nice et du Sud-Est dans les années 1920, période où elle est une figure médiatique nationale. Elle y excelle dans la chronique, articulant habilement sujets variés et spécificités locales dans un journal engagé contre le fascisme.

Les interventions d’Hortense Delair (Centre Zola de l’ITEM-CNRS/ENS), Loïc Le Sayec (UPJV) et Olivier Engelaere (UPJV) ont exploré la littérature dans la presse du Nord de la France, notamment les feuilletons. Hortense Delair a analysé Les Crimes de Lille, un roman-feuilleton paru en 1902 dans Le Réveil du Nord, qui mêle fait divers, archives judiciaires et fiction criminelle. Loïc Le Sayec a étudié le feuilleton du Progrès de la Somme (1869-1900), identifiant les genres et auteurs dominants ainsi que l’évolution de cette rubrique. Enfin, Olivier Engelaere s’est penché sur trois polémistes picards – Henri Carion, Pierre-Louis Pinguet et Clément Paillart – qui, en écrivant en picard, développent des formes littéraires originales dans la presse locale.

La journée s’est conclue par une réflexion sur la conservation et la valorisation de la presse régionale ancienne. Thomas Dumont, archiviste à la Bibliothèque Louis Aragon d’Amiens, a présenté plusieurs titres de presse amiénoise du XIXᵉ siècle, soulignant leur fragilité et leur intérêt pour la recherche. Eugénie Martin, chargée de collections à la BnF, a mis en lumière le signalement de la presse régionale réalisée via la Bibliographie de la presse française et Presse locale ancienne. Elle a également abordé la politique de coopération de la BnF pour la numérisation de ces fonds et son partenariat renforcé avec les Hauts-de-France, en lien avec le futur Conservatoire national de la Presse à Amiens.

Les actes de la journée seront publiés en ligne à l’automne 2025 sur le site Médias 19.

Ce billet a été rédigé grâce au compte-rendu réalisé par Loïc Le Sayec, organisateur de la journée.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Florence Perret (31 mars 2025). [JE] Compte-rendu de la journée “Étude(s) littéraire(s) de la presse régionale en France (1789-1914)” Carnet de recherche. Consulté le 29 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13lpd


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