À la découverte du Centre de Communication en Santé Mentale de l’hôpital Rivière-des-Prairies, partenaire privilégié du Festival Psy de Lorquin
La BnF accueille tous les ans des chercheurs associés qui conduisent un travail au plus près de ses collections. Juliette Naviaux, chercheuse associée au service vidéo mène un projet sur le Festival Psy de Lorquin : pratiques et usages de l’image animée en psychiatrie.
Pourquoi trouve-t-on de nombreux films de prévention québécois produits à l’hôpital Rivière-des-Prairies de Montréal dans le fonds audiovisuel du Festival Psy de Lorquin (Moselle), entré par don à la BnF en 2020 ? Origine et histoire d’une longue collaboration franco-québécoise.
La présence d’un service audiovisuel à l’hôpital n’est pas rare au Québec, où il existe une longue tradition de communication des administrations publiques québécoises. Les services audiovisuels des universités et des hôpitaux mettent en place de véritables stratégies de communication et misent sur la production de films à mi-chemin entre le documentaire et le film pédagogique. Le service audiovisuel de l’hôpital Rivière-des-Prairies, appelé Centre de Communication en Santé Mentale (CECOM), a été particulièrement actif et a longtemps collaboré avec l’équipe du Festival Psy de Lorquin pour la distribution et la production de films pédagogiques et de prévention. Le CECOM, à la fois service audiovisuel d’un hôpital et véritable société de production et de distribution, a joué un rôle important dans l’évolution de l’audiovisuel à l’hôpital de Lorquin, au-delà du Festival Psy. Une brève histoire de ce service unique en son genre s’impose.
En 1980, un jeune pédopsychiatre québécois, Pierre H. Tremblay, arrive à l’hôpital en santé mentale Rivière-des-Prairies, à Montréal. Il a choisi, au cours de ses études de médecine, de se spécialiser dans la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent car il est convaincu qu’exercer auprès de ces populations constitue l’action de prévention la plus efficace. Il rentre de Paris, où il a rencontré le pédopsychiatre, psychanalyste et homme de médias français Tony Lainé, avec lequel il a beaucoup échangé autour du cinéma. Dans les années 1970, Tony Lainé, parallèlement à son activité de psychiatre, a collaboré avec le réalisateur Daniel Karlin pour produire de nombreux documentaires télévisuels autour de la santé mentale.
Convaincu que l’audiovisuel est un autre outil de prévention très puissant, Pierre H. Tremblay prend contact avec le responsable du service de l’audiovisuel de l’hôpital Rivière-des-Prairies, Richard Martin, dont le rôle est de filmer des conférences et des entretiens médicaux à la demande des soignants de l’hôpital. Ensemble, ils font évoluer le service pour créer, en 1985, le Centre de Communication en Santé Mentale, dont la mission est de réaliser et de distribuer des supports audiovisuels utilisables lors d’action de prévention. Ils commencent alors à produire des films qui abordent certaines maladies mentales mais aussi des sujets de société tels que le divorce et le suicide. Afin de produire des films de prévention efficaces, Pierre H. Tremblay et Richard Martin collaborent très vite avec la Direction de la santé publique de Montréal ainsi qu’avec des associations pour réaliser des films qui servent leurs causes. Le partenariat devient un principe phare du CECOM et la plupart des films sont produits pour répondre au besoin d’une association, d’un service hospitalier ou d’une université.
Pierre H. Tremblay, pour qui un film, « s’il n’est pas vu, il n’existe pas »1, juge la distribution des films aussi importante que leur production. Il cherche à ce que les films soient vus par un public le plus large possible. Le principe du partenariat avec des structures extérieures au CECOM contribue à élargir la diffusion de ses films d’abord à travers le Canada francophone puis en Europe. En effet, à partir du milieu des années 1980, Pierre H. Tremblay et Richard Martin présentent plusieurs films en France, au Festival Psy de Lorquin. Ils s’y rendent pour la première fois en 1985 et y projettent le film Du silence à la parole. Ils rencontrent à cette occasion Alain Bouvarel, co-fondateur du festival, avec qui débute une longue collaboration. Le Festival Psy de Lorquin attire des équipes soignantes venues de France, de Belgique et de Suisse, et Pierre H. Tremblay et Richard Martin y voient un marché à conquérir. La collaboration entre le CECOM et le Festival Psy de Lorquin est donc, dans un premier temps, centrée autour de la distribution des films du CECOM dans les pays francophones européens. Alain Bouvarel et ses collaborateurs créent une nouvelle structure, le CECOM Europe, et les films produits à Rivière-des-Prairies commencent à circuler en Europe, notamment dans les hôpitaux, dans les universités et auprès des associations d’infirmiers. Le CECOM commence également, à la fin des années 1980, à assurer la diffusion au Canada de films européens dont il acquiert les droits de distribution2.
La collaboration entre le CECOM et le Festival Psy prend une autre ampleur au début des années 1990 lorsqu’Alain Bouvarel souhaite développer à Lorquin une activité de production. Pierre H. Tremblay et Richard Martin, producteurs et réalisateurs déjà chevronnés, réalisent régulièrement à cette époque des entretiens filmés avec des grands noms de la psychiatrie, notamment en Europe. Bouvarel se joint au projet et la série Un entretien avec… naît en 1995. Dès lors, ils tournent ensemble entre huit et dix entretiens par an avec des spécialistes de la psychiatrie afin de sauvegarder la mémoire médicale et de créer des documents pédagogiques à l’attention des futurs soignants. C’est également en 1995 qu’Alain Bouvarel transforme le CECOM Europe en CNASM, Centre National Audiovisuel en Santé Mentale, dont la mission principale est justement de produire et de fournir du matériel audiovisuel pédagogique aux Instituts de formation en soins infirmiers.
Le CECOM de l’hôpital Rivière-des-Prairies cesse son activité en 2020 suite à une réforme de l’hôpital au Québec. C’est grâce à la politique d’archivage, menée par Alain Bouvarel, des films diffusés au Festival Psy depuis les années 1980, qu’une partie des films produits par le CECOM est maintenant conservée à la Bibliothèque nationale de France. La présence de ces films québécois dans le fonds du Festival Psy de Lorquin souligne l’intérêt, pour la BnF, de conserver les fonds de festivals internationaux, aux contenus particulièrement riches.
Voir aussi
- Entretien avec Pierre H. Tremblay mené Montréal le 3 juin 2023. [↩]
- Par exemple, nous avons retrouvé un contrat passé en 1989 entre le CECOM et un producteur français, TV Concept, à propos du film Droit de Cité. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Juliette Naviaux (11 août 2023). À la découverte du Centre de Communication en Santé Mentale de l’hôpital Rivière-des-Prairies, partenaire privilégié du Festival Psy de Lorquin. Carnet de recherche. Consulté le 15 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/m3yk