Succession de Charles Benoît Hase à l’Académie des inscriptions et belles-lettres et au Collège de France
Bien qu’intervenu à l’âge de quatre-vingt-quatre-ans, le 21 mars 1864, le décès de Charles Benoît Hase eut lieu alors qu’il était encore en fonctions, cumulant celle de conservateur à la Bibliothèque nationale avec plusieurs chaires qu’il occupait par ailleurs : la chaire de grammaire comparée, à la Facultés des lettres de la Sorbonne, celle de grec moderne et de paléographie grecque, à l’École des langues orientales vivantes.
Le ministre de l’Instruction publique Victor Duruy rédige un rapport à destination de l’Empereur pour régler la question des chaires de C. B. Hase.
Dès le mois de juin 1864, la chaire de grec moderne et de paléographie grecque de l’École des langues orientales vivantes abandonne la paléographie pour ne se consacrer qu’au grec moderne1.
La chaire de grammaire comparée de la Facultés des lettres est transférée au Collège de France2.
= Le 13 mai, l’Académie des inscriptions a eu une séance fort animée. Ce jour-là, il y avait à nommer aux deux places laissées vacantes par la mort de MM. Hase et Ampère. M. Louis Quicherat, le savant latiniste dont les livres classiques sont dans toutes les mains, a été élu au deuxième tour. L’Académie a donné là un digne successeur à M. Hase.
La seconde élection a été plus disputée. Il y avait en présence trois candidats : un orientaliste, M. Dulaurier, un épigraphiste, M. Waddington ; un philologue, M. Guessard. Au quatrième tour, M. Dulaurier a été élu.
Il s’est passé, à propos de la première élection, un fait assez curieux. On savait que la nomination de M. Quicherat était assurée, et l’on pensait qu’elle se ferait au premier tour. Mais on avait compté sans certaines mesquineries et certaines petites intrigues habituelles aux corps savants. Comme peu d’élections se font au premier tour, les académiciens dont la nomination a été assez disputée ne se soucient pas beaucoup de voir entrer un collègue dans des conditions différentes de celles où ils ont été élus eux-mêmes. De là ces votes donnés pendant un ou deux tours à des candidats dont les chances sont nulles. Cette fois, M. Quicherat avait pour concurrent un homme fort honorable, M. d’Avezac, géographe d’un très-grand mérite, mais dont, au dire de tout le monde, le temps n’était pas encore venu. Or, quelques amis, à force de quêter çà et là, en sa faveur, pour le premier tour, des voix de complaisance et de consolation qui, ils l’assuraient, ne devaient en rien influer sur le résultat du scrutin, sont parvenus, au grand ébahissement de l’Académie, à lui acquérir 15 voix. Comme il n’en fallait que 19 pour être nommé, on voit que la savante compagnie a été sur le point de se donner un collègue dont elle voudra sans aucun doute quelque jour, mais dont, le 13 mai, elle ne voulait certainement pas. Ce sera une leçon dont elle fera son profit, nous l’espérons. Il y a du reste quelques exemples d’académiciens dont l’élection a été ainsi enlevée par surprise.
« Chronique », La Correspondance littéraire, 25 mai 1864, n° 7, p. 194. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9642989v/f216.item>.
= Puisque nous venons de prononcer le nom de M. Hase, offrons de lui à nos lecteurs une lettre qui nous semble le peindre tout entier. Elle est adressée à un de ses collègues de l’Institut, M. Dés. N.((Désiré Nisard (1844-1852).)) Nous y supprimons seulement le détail des bévues commises par le protégé de son confrère. Quel est ce protégé ? Nous n’avons pas pris la peine de chercher à le deviner, car son nom ne fait absolument rien à l’affaire :
22 février 1854.
« Cher et bon confrère et collègue,
« Je me vois dans un grand embarras. Moi qui ne voudrais faire de la peine à personne, qui voudrais donner des éloges à tout le monde, je suis obligé de dire (à vous seul, bien entendu), que l’estimable auteur des notes ci-jointes manque absolument de savoir, et, qui plus est, de critique. Ces paroles sont bien dures : mais jugez vous-même, cher confrère, et procédons par ordre………………………………………………………………………………………µ
« Chronique », La Correspondance littéraire, 25 mai 1864, n° 7, p. 194-195. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9642989v/f216.item>.
« Que faire à présent ? N’affligeons pas l’auteur de ces notes. Il travaille, il a du zèle, il est de bonne foi. Vous, cher confrère, dont le cœur est si bon, dont la parole est si gracieuse et si mesurée, adoucissez le plus possible votre réponse et surtout ne me citez pas. Je voulais même d’abord ne pas écrire du tout, comme je fais, en ma qualité de très-indigne secrétaire de la commission des antiquités nationales de notre académie ; je ne parle que quand il y a des éloges à donner ; dans le cas contraire je me tais. Mais voilà la première fois que vous me demandez quelque chose, vous qui jadis, et toujours, avez été bienveillant pour moi ; ce sont des souvenirs qui ne s’effacent point. J’ai donc dit hardiment ce que je pense, persuadé que vous ne m’attirerez pas de querelles avec les Bretons bretonnants dont, quelquefois, l’entêtement égale l’âpre et implacable colère. Enfin, quoiqu’il arrive, j’ai été heureux de trouver une occasion de vous réitérer l’expression de vive reconnaissance, de haute estime, d’attachement inviolable que je vous ai voués, et dont je vous prie, cher et excellent confrère, de vouloir bien agréer l’hommage.
HASE. »
== Le Collége [sic] de France s’est assemblé le dimanche 13 juin pour former une liste de candidats à la chaire de grammaire et de philologie comparée qui, depuis la mort de M. Hase, a été transférée de la Sorbonne au Collége [sic]. Le nom qu’il a placé en tête est celui d’un académicien aussi éminent par le savoir que pas le caractère, M. Adolphe Régnier. Déjà, il y a deux ans, lorsqu’il s’est agi de remplir la chaire de sanscrit au même établissement, le Collége [sic] et l’Académie des inscriptions l’avaient mis le premier sur la liste, et sans aucun doute il aurait été nommé à une place qu’il était si digne d’occuper, s’il avait pu se décider à accomplir une formalité imposée à tous ceux qui sont revêtus de fonctions publiques. — Au second rang le Collége [sic] a placé un jeune savant que l’on considère comme appelé à un très-brillant avenir, M. Bréal, employé au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale, et que deux thèses, soutenues l’année dernière, ont fait connaître de la manière la plus avantageuse. L’Académie des inscriptions, qui doit aussi présenter sa liste, n’a encore pris aucune décision.
« Chronique », La Correspondance littéraire, 25 juin 1864, n° 8, p. 226. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9642989v/f248.item>.
- Bonaparte, Louis-Napoléon ; Duruy, Victor, « Nouvelle dénomination d’une chaire de l’école des langues orientales vivantes », Bulletin administratif de l’instruction publique, 1864, tome 1, n° 21, p. 418. Disponible sur Internet, url : <https://education.persee.fr/doc/baip_1254-0714_1864_num_1_21_14901>. [↩]
- Duruy, Victor, « Rapport à l’Empereur sur les fonctions et les chaires laissées vacantes par le décès de M. Hase », Bulletin administratif de l’instruction publique, 1864, tome 1, n° 21, p. 415-417. Disponible sur Internet, url : <https://education.persee.fr/doc/baip_1254-0714_1864_num_1_21_14899>. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Olivier Jacquot (5 juillet 2023). Succession de Charles Benoît Hase à l’Académie des inscriptions et belles-lettres et au Collège de France. Carnet de recherche. Consulté le 15 septembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/m3xt
