Agrandissement de la Bibliothèque impériale d’après le Monde Illustré

Comme l’ont encore montrées de récentes parutions portant sur l’histoire de la Bibliothèque nationale de France, celle-ci n’eut de cesse de connaître des travaux d’aménagements et d’agrandissements¹.

Ce fut notamment le cas au XIX^e siècle avec les travaux confiés à l’architecte Henri Labrouste et qui aboutirent à la construction de la salle de lecture emblématique qui porte désormais son nom.

Ces travaux laissèrent bien sûr des traces dans la presse, par exemple dans Le Monde illustré du 13 janvier 1866².

L’article du Monde illustré, que nous transcrivons ci-après, est d’autant plus intéressant qu’il est accompagné de gravures illustrant son propos. Les notes sont de notre fait.

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Le département des médailles, pierres gravées et antiques est actuellement transféré dans les bâtiments neufs de la rue de Richelieu, où son installation provisoire est terminée. Ses richesses se trouvent augmentées par les précieuses collections du duc de Luynes³, auxquelles une salle spéciale est

consacrée et par une donation toute récente du vicomte et de la vicomtesse de Janzé⁴, dont l’importance a demandé le développement de deux grandes vitrines.

Le département des médailles, pierres gravées et antiques est ouvert tous les jours, excepté le dimanche, savoir : les lundis, mercredis, jeudis et samedis, de dix heures et demie à trois heures et demie pour l’étude, et les mardis et vendredis, aux mêmes heures pour les visiteurs.

Nous représentons aujourd’hui, par le dessin, les principales parties des nouveaux bâtiments affectés aux médailles, et nous aurions volontiers consacré une notice spéciale à chaque partie de cet intéressant

département, si nous avions pu obtenir des renseignements des personnes compétentes attachées à cet établissement. Sur leur refus, nous avons dû nous borner à ces quelques lignes.

A.H.⁵

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Les auteurs des illustrations

Les deux premières gravures, Chambre des rois de Karnak (Thèbes) et Escalier conduisant au cabinet des médailles, portent les signatures des dessinateurs et graveurs :

Chambre des rois de Karnak (Thèbes)	Escalier conduisant au cabinet des médailles
« ADY »	« A Deroy »

Ces monogrammes désignent l’artiste Auguste Victor Deroy (1823-1906). La droite des images porte les monogrammes du graveur :

Chambre des rois de Karnak (Thèbes)	Escalier conduisant au cabinet des médailles
« MULET »	« MULET »

Ces monogrammes désignent le graveur Mulet⁶.

La troisième gravure reste anonyme mais pourrait être attribuée aux mêmes. La dernière, qui prend la largeur de la page imprimée, est due au graveur Louis Léon François Tazzini (18..-18..), toujours d’après un dessin d’Auguste Victor Deroy (1823-1906).

« L. TAZZZINI Sc. [?] »	« ADEROY »

Les collections présentées

Les gravures de l’article n’ont pas qu’un intérêt illustratif mais bien documentaire tant il est possible de reconnaître des objets que le visiteur était en mesure de voir lors de sa venue.

Chambre des rois de Karnak (Thèbes)

La première gravure montre ce qui est désigné selon la légende comme la « Chambre des rois de Karnak (Thèbes) ». Il s’agit de ce que le musée du Louvre désigne désormais sous le titre de « Chambre des Ancêtres ». Découverte à Karnak eu sein du Temple d’Amon-Rê, la chapelle date du règne de Thoutmosis III (-1479 / -1425).

Les décors de la chapelle furent démontés par l’archéologue Émile Prisse d’Avennes (1807-1879) au printemps 1843 et rapportés au printemps 1844 pour la Bibliothèque Royale⁷. La chapelle fut remontée sur place à l’automne 1845, restaurée et finalement présentée au public le 20 juin 1846 où elle y resta jusqu’au printemps 1919 et exposée à partir du printemps 1922 au musée du Louvre⁸. L’œuvre est actuellement visible au Département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre, aile Sully, Salle 325 :

La photographie de l’œuvre révèle les habituelles exagérations des proportions propres aux gravures de la presse illustrée du XIX^e siècle.

Cuve de cercueil

Sur la paroi de droite, la gravure donne à voir ce qui pourrait être une tapisserie ou une carte, devant un bassin ou une cuve. Se pourrait-il qu’il s’agisse de la cuve de cercueil qui appartenait à la Bibliothèque nationale et fut ensuite attribuée au Louvre en 1907 (actuellement en dépôt au Musée des Beaux-Arts de Lyon) ?

Des yeux experts pourraient peut-être reconnaitre l’œuvre appendue au mur.

Escalier conduisant au cabinet des médailles

La vue sur l’escalier menant au cabinet des médailles donne à voir des stèles et inscriptions parmi lesquelles nous ne reconnaissons pas la stèle de Batôn ou la stèle funéraire “Prêtresse ou déesse” :

Objets de la salle de Luynes

La gravure de la salle de Luynes présente quelques objets qu’il est tentant de chercher à identifier.

Trépied, “Dieux et héros” (Bronze.1472)

Le trépied visible sur la partie gauche de la gravure pourrait tout à fait être celui de la collection du duc de Luynes :

Casques et pointes de lances

La vitrine du fond de la salle, côté gauche, présente de nombreuses pointes de lances et quelques casques.

La collection du duc de Luynes comporte de nombreux casques, lances et pointes de lance.

Statuette, “Criophore” (Bronze.450)

Sur la droite de la vitrine, nous reconnaissons la cuirasse de type anatomique ayant appartenu au duc.

Sur la partie droite de l’image, nous pouvons reconnaître quelques œuvres, dont la statuette Criophore.

Statue, “Personnage féminin tenant une fleur” (inv.57.220)

Le mur du fond porte une statue qui pourrait être le Personnage féminin tenant une fleur.

Au-dessus d’elle figure un cadre comportant un long document dont le dessin ne semble pourtant pas ressembler au “Papyrus de Seramon” du duc :

A la gauche du visiteur penché sur la vitrine on reconnaît, la tête sur un piédestal n’est pas le “Portrait masculin”⁹ ni le “Portrait de l’impératrice Sabine” ou le “Portrait féminin” (inv.57.14).

La vitrine du pan de mur à droite rassemble quelques-uns des vases de la collection¹⁰. Nous remarquons notamment deux statuettes.

Pour aller plus loin

Le périodique Le Monde illustré a fait l’objet de rares analyses, moins nombreuses que celles consacrées à d’autres périodiques illustrés de l’époque :

• Feld, François, Les Gravures dans “Le Magasin pittoresque”, “L’Illustration”, “Le Monde illustré” : 1861-1870, Paris : Institut de France, Bibliothèque Thiers, 1987, 1 vol. (132 p.) ; 30 cm

• Feld, François, L’Image dans quelques périodiques illustrés du XIXe siècle. 2, “Le Monde illustré” : 1860-1910, Paris (127 Av. de Clichy, 75017) : F. Feld, 1988, 1 vol. (260 f.) ; 30 cm
  Tableaux quantitatifs de dépouillements des illustrations par genres, pays, sujets, etc.

• Rochard, Sophie, La photographie et la presse illustrée : 1853-1870, [Paris] : [S. Rochard], 1990, 1 vol. (non paginé) : ill. ; 30 cm
  Maîtrise : Paris 4 : 1990.

Notes

1. Conraux, Aurélien (dir.) ; Haquin, Anne-Sophie (dir.) ; Mengin, Christine (dir.), Richelieu : quatre siècles d’histoire architecturale au cœur de Paris, Paris : Bibliothèque nationale de France : Institut national d’histoire de l’art, DL 2017, 1 vol. (293 p.-[7] p. dépl.) : ill. ; 28 cm ; Blasselle, Bruno (dir.) ; Toscano, Gennaro (dir.), Histoire de la Bibliothèque nationale de France, Paris : Bibliothèque nationale de France, DL 2022, 1 vol. (563 p.) : ill. ; 24 cm [↩]
2. A.H., « Agrandissement de la Bibliothèque impériale », Le Monde illustré, 13 janvier 1866, n° 457, p. 29-30. Disponible sur Internet, url : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62226992/f13>. [↩]
3. Honoré Théodoric Paul Joseph d’Albert (1802-1867), duc de Luynes, donna ses collections au Cabinet des médailles le 7 janvier 1863. Voir : Jacquot, Olivier, « Un écrin pour la collection du duc de Luynes à la BnF », Carnet de la recherche à la Bibliothèque nationale de France, 24 octobre 2022. Disponible sur Internet, url : <https://bnf.hypotheses.org/18992>. [↩]
4. Soit le vicomte Hippolyte de Janzé (Rennes, 11 novembre 1789 – Paris, 18 janvier 1865) qui fit don de 79 bronzes antiques et un choix de 10 terres cuites issues de sa collection. Selon son XXX du 22 juin1865, le légataire demandait « la création d’au moins deux vitrines dans la salle publique du Cabinet des Médailles, où seront exposés tous les objets sans aucune exception, une pour les bronzes et une pour les terres cuites, portant les noms des donateurs, M. et Mme de Janzé, et ce à perpétuité, quelque soit le local où puisse être transporté le Cabinet des médailles et antiques, Mme de Janzé se réservant le droit de réclamer les objets ou même leur totalité, s’ils n’étaient pas exposés dans le délai de un an ». Madame de Janzé, Clémentine Richard d’Aubigny (Paris, janvier 1800 – Rennes, 26 décembre 1870) ajouta 58 terres cuites et vases peints au legs ; les conservateurs demandèrent et obtinrent 8 bronzes supplémentaires et 14 terres cuites et vases, portant le total à 169 pièces. Le reste fut dispersé aux enchères publiques à Paris lors d’une vente tenue le 16 avril 1866. [↩]
5. Serait-ce Albert Humbert (Vesoul, 24 février 1835 – 1886), url : <https://www.medias19.org/outils-et-ressources/index/journalistes/albert-humbert> ? D’autres « publicistes » partagent ces initiales, comme Alexandre Holinski, né en 1816, ou Alexandre de Haye, né en 1832. [↩]
6. Voir le recueil de la BnF : <http://ark.bnf.fr/ark:/12148/cb404264991>. Cet artiste, qui contribua à de nombreux périodiques, attend qu’une monographie lui soit consacré. [↩]
7. Voir NAF 20416-20449 Fonds Emile Prisse d’Avennes sur l’Egypte, url : <https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc956028>. [↩]
8. Juridiquement, le transfert de propriété entre la Bibliothèque Nationale et le musée du Louvre intervint en 1907. [↩]
9. Bronze.857, url : <https://medaillesetantiques.bnf.fr/ark:/12148/c33gbdnvh>. [↩]
10. Voir l’ensemble à l’adresse url : <https://medaillesetantiques.bnf.fr/ws/catalogue/app/collection?vc=ePkH4LF7w1I94aqfQHkrAFi3oNaCZaACsLSoGK3ONDQyMYdXwXBdBEMeAJLhMEA$> et, pour les monnaies, url : <https://gallica.bnf.fr/html/und/objets/collection-honore-dalbert-duc-de-luynes-1862>. [↩]

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